Soigner ses TCA en Hôpital de Jour (HDJ) à Lyon
- Jean-François Leca
- 23 mai
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 mai

Quand on vit avec des Troubles des conduites Alimentaires (quels qu’ils soient : anorexie, boulimie, hyperphagie), la maladie nous emprisonne, elle prend la contrôle. Honte, solitude, culpabilité deviennent nos compagnes. Aujourd’hui, je partage mon histoire et mon parcours de soin en HDJ pour témoigner d’une voie de guérison possible. La boulimie, les crises vomitives et les compulsions m’ont accompagné pendant plus de 35 ans, je ne croyais plus pouvoir m’en libérer : « Je suis comme ça, ça fait partie de moi » était des phrases bien ancrées dans mes pensées.
1 / Comment j’en suis arrivé à ce parcours
Un traumatisme ancien m’a poussé à me réfugier dans la nourriture. Pendant près de 40 ans, malgré mon parcours personnel et professionnel, la boulimie fera partie de ma vie, invisible aux yeux de tous, même de mes proches.
Jusqu’au jour où, à 48ans, je n’ai plus pu…Le burn-out m’a paradoxalement donné la force d’en parler, de ne plus me cacher, et de franchir enfin le pas vers une prise en charge spécialisée.
Je suis arrivé en HDJ avec ma honte, mon épuisement, mes questions…et un espoir un peu flou.
Ce n’était pas mon premier rendez-vous avec moi-même mais c’était peut-être le plus important et décisif.
2 / C’est quoi un parcours de soin des TCA en HDJ
2,1 Objectifs : stabiliser, comprendre, avancer
Le soin en HDJ vise une stabilisation de l’état psychique et des conduites alimentaires. Cela demande un engagement constant du patient, dans un cadre clair.
Dès l’entrée, le parcours débute par :
Une consultation avec un médecin psychiatre
Un entretien infirmier
Une rencontre avec une psychologue
La participation au groupe d’accueil
Cela débouche sur l’élaboration d’un projet de soins individualisé et d’un contrat de soins, avec des bilans réguliers pour adapter l’accompagnement.
2,2 Le livret d’accueil pour poser le cadre
Il accompagne les premières séances, pour poser le cadre de l’accompagnement. L’objectif ? Se poser les bonnes questions (Pourquoi suis-je là ? Quelle est la nature de mon trouble alimentaire ? etc) et rappeler le fonctionnement de l’HDJ, ainsi qu’un planning des soins et des témoignages d’anciens patients.
2,3 Un accompagnement personnalisé en individuel et en groupe thérapeutique
Le suivi est assuré par une équipe pluridisciplinaire :
Le psychiatre : 1 fois par mois minimum
L’infirmière, la psychologue, la diététicienne, l’enseignante APA : plus régulièrement pour faire le point, réaliser les soins, suivre l’évolution émotionnelle et alimentaire
La psychomotricienne : travail sur l’image du corps, la conscience corporelle, la dysmorphophobie
Participation à différents groupes thérapeutiques (psycho-boulimie, diététique, gestion des émotions, relaxation, expression corporelle, habilités sociales)
Le rythme est généralement de 4 à 5 demi-journées par semaine, sur 10 à 12 mois.
La date de sortie se décide d’un commun accord avec l’équipe et le psychiatre.
Un suivi hors HDJ après la sortie avec un psychiatre et/ou un(e) psychologue et un(e) diététicien(ne) est indispensable pour prévenir les rechutes et assurer la stabilisation des comportements.
3 / Mon expérience
Au tout début, je me suis senti en décalage : j’étais plus âgé et le seul homme parmi une grande majorité de jeunes femmes. Et très vite, ces pensées se sont estompées devant l’absence totale de jugement de mes interlocuteurs.
J’ai été profondément touché par la posture des soignants : écoute, non-jugement, compréhension des TCA. Ce respect m’a permis d’avancer sans me sentir coupable ou infantilisé.
Voici quelques retours d’expérience qui m’ont marqué.
3,1 - La force des groupes thérapeutiques
Lors d’une dégustation en groupe avec la diététicienne. Chacun devait apporter un aliment qu’il considérait comme « interdit ».
Une adolescente anorexique avait ramené un petit paquet de Spéculos. Elle en a prélevé un biscuit qu’elle a cassé en quatre petits morceaux. Elle était terrifiée, en pleurs à l’idée de le mettre à la bouche. Avec l’encadrement de la professionnelle, le soutien bienveillant du groupe autour d’elle, elle a surmonté cette peur et ne pas laisser sa maladie aux commandes au moins durant la séance. C'était son "petit pas" du jour.
3,2 - Un déclic charnière après une consultation diététique
Après un travail sur la défusion avec mes pensées alimentaires et corporelle, j’ai jeté ma balance à la déchèterie (et même prise en photo !).

Ce geste symbolique m’a aidé à me libérer du chiffre, à sortir de l’obsession du poids et surtout à éloigner toutes les actions liées à la pensée « je suis gros ».
3,3 - Travailler sur la dysmorphophobie ou l'image corporelle
Un autre moment fort : un exercice proposé par la psychomotricienne. Je me suis dessiné tel que je me voyais (silhouette de droite sur la photo) puis la psychomotricienne a dessiné le contour de mon corps à sa taille réelle (silhouette de gauche). Ce « choc visuel » a mis en évidence la dysmorphophobie dont je souffrais. Je prenais conscience du décalage entre le regard que je portais sur moi et la réalité. Un décalage qui ne concernait pas que mon corps, mais aussi ma valeur, ma légitimité.

3,4 - A retenir
Mon message principal est qu’il est possible de guérir des TCA. Je retiens principalement trois éléments de ce parcours de soin et des leviers ayant agi en faveur de ma guérison :
Mon travail sur mon estime de moi-même et l’acceptation de mon image corporelle.
On ne peut pas contrôler nos émotions, mais on peut choisir comment les accueillir.
Une (re)connexion avec mon corps a été indispensable après des années à le maltraiter.
Aujourd’hui encore, je continue à cheminer vers une alimentation apaisée. Mais je ne suis plus seul. Et je sais que ce chemin-là est possible, même après des années de souffrance.
4 / Conclusion
Cette hospitalisation restera gravée en moi pour toujours comme une délivrance inespérée. Ma reconnaissance envers tous les professionnels et patients côtoyés durant ces 12 mois, sera éternelle. L’anorexie, la boulimie, l’hyperphagie sont des maladies psychologiques complexes dont on ne sort pas seul.
Il y a des solutions. L’hôpital de jour a été important dans mon parcours mais ce n’est pas le seul chemin. De plus un suivi est toujours nécessaire après car les rechutes sont malheureusement très fréquentes dans ces troubles. Une psychologue et un diététicien spécialisé dans les TCA m’ont suivis plusieurs mois après la fin de l’HDJ pendant une phase de stabilisation indispensable.
La pluridisciplinarité avec des professionnels spécialisés dans les TCA est quasiment toujours nécessaire pour travailler sur toutes les composantes affectées par la maladie.
Si vous avez besoin d’un avis professionnel et bienveillant ou juste d’être écouté, je peux vous aider si c’est le bon moment pour vous.
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